Le texte de la proposition de loi – Le rapport sur la proposition de loi
Examen de LA PROPOSITION DE LOI N° 4017 – Intervention de Jean-Christophe Lagarde
Seul le prononcé fait foi
24 novembre 2016
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Monsieur le président,
Madame la ministre,
Chers collègues,
La présente proposition de loi a un objectif simple : assurer le respect de la liberté du commerce et de l’industrie des petits commerçants lorsqu’ils exercent leur activité dans un centre commercial.
Le parc français des centres commerciaux comprend aujourd’hui plus de 800 centres accueillant environ 36 000 commerces et employant un peu plus de 450 000 personnes, dont 90 % dans des grandes enseignes nationales.
Les centres commerciaux regroupent en effet à la fois des grandes enseignes nationales, qui servent de « locomotives », et des commerçants indépendants. Ils ont pris l’habitude de se regrouper dans des groupements d’intérêt économique (GIE) pour élaborer une politique commune d’aménagement et d’animation et en partager les frais.
En adhérant à un GIE, généralement lorsqu’il signe son bail, le commerçant souscrit donc à un certain nombre d’obligations, contreparties du principe de solidarité qui régit le fonctionnement de ces centres. Il s’engage par exemple, sous peine de pénalités financières, à respecter les horaires d’ouvertures communes à l’ensemble des commerces du centre : on comprend facilement qu’il est bénéfique pour tout le monde que toutes les enseignes soient ouvertes au même moment.
Si le commerçant, en signant son bail, se plie volontiers aux règles qui lui sont imposées, car elles lui assurent une bonne fréquentation, il en est tout autrement lorsque le règlement du GIE lui impose également d’ouvrir un certain nombre de dimanches et jours fériés.
Depuis l’entrée en vigueur de la loi du 6 août 2015 pour la croissance, l’activité et l’égalité des chances économiques – dite « loi Macron », le maire peut autoriser, vous le savez, l’ouverture des commerces de détail douze dimanches par an, contre cinq auparavant. Ces 12 jours peuvent inclure, dans la limite de 3, des jours fériés, à l’exception du 1er mai, qui est obligatoirement chômé.
L’augmentation du quota de « dimanches du maire » a rencontré un succès incontestable : sur 70 grandes villes françaises, 43 % ont par exemple augmenté le nombre de dimanches ouverts en 2016 par rapport à 2015 et près d’un quart d’entre elles sont même allées jusqu’au potentiel maximal de 12.
Le problème est que de nombreux petits commerçants, pris au dépourvu par ce changement législatif, sont désormais contraints, par le règlement du GIE de leur centre commercial, à ouvrir des dimanches ou jours fériés supplémentaires sous peine de pénalité financière : plusieurs d’entre eux se sont déjà vu appliquer des pénalités.
Le cas le plus emblématique de ce type de pratiques abusives est incontestablement celui du centre commercial du Grand Var, à l’été 2016. Douze commerces avaient refusé d’ouvrir leur enseigne le 14 juillet et s’étaient vu appliquer par leur GIE des pénalités financières aux montants exorbitants, atteignant par exemple 186 000 euros dans le cas de la brasserie Le Phénix, gérée par M. Patrick Brun.
Si les pénalités furent finalement annulées, la médiatisation de cette affaire a eu le mérite de permettre de constater qu’il ne s’agissait pas là d’un cas isolé. Selon M. Francis Palombi, président de la Confédération des commerçants de France, que j’ai entendu, plusieurs dizaines de cas de pénalités excessives auraient déjà été signalés. M. Patrick Brun a pour sa part recueilli les témoignages de plusieurs dizaines de commerçants confrontés au même problème. Je tiens à souligner que les cas recensés ne prennent pas compte les nombreuses fois où les commerçants préfèrent ouvrir leur enseigne plutôt que de se voir infliger une amende.
En août 2016, la CGPME s’était saisie de ce sujet suite à la demande de nombreux adhérents qui s’étaient émus de l’affaire du centre commercial Grand Var. La Confédération avait alors lancé une enquête auprès de ses adhérents afin d’essayer de prendre la mesure du phénomène. Les résultats de cette enquête me semblent assez nets : dans les galeries marchandes, 62 % des commerçants interrogés adhérent à une structure type GIE ou association et, pour 92 % d’entre eux, cette adhésion est obligatoire. La liberté d’ouvrir ou non leur commerce les dimanches ou jours fériés ne concerne que 10 % des commerçants, 53 % estiment que ces contraintes ne sont pas justifiées. Enfin, pour 85 % d’entre eux, les sanctions financières liées au non-respect des conditions d’ouverture et de fermeture sont excessives.
Ces chiffres révèlent un malaise profond. Alors même que l’ouverture des commerces le dimanche et les jours fériés est strictement encadrée par le législateur et qu’elle repose, dans la plupart des professions, sur le volontariat, la crainte de sanctions financières oblige nombre de commerçants à ouvrir contre leur gré.
Nous sommes donc dans la situation paradoxale où l’application du règlement des GIE des centres commerciaux peut méconnaître des principes garantis par la loi.
Que faire ?
J’ai procédé à plusieurs auditions. Le Conseil national des centres commerciaux m’a dit qu’il était inutile de légiférer : la liberté contractuelle est totale et le commerçant sait à quoi il s’engage lorsqu’il choisit de s’installer dans un centre commercial.
C’est méconnaître le fait que la signature du bail commercial est conditionnée, dans la majorité des cas, à l’adhésion au GIE du centre commercial.
C’est également méconnaître le fait que les droits de vote aux assemblées générales des GIE sont proportionnels à la surface des commerces signataires et que, dans la plupart des cas, les grandes enseignes nationales y disposent de la majorité. Ce sont donc ces dernières, souvent en application d’une politique décidée au niveau national par leur enseigne, qui décident quels jours seront travaillés ou non.
C’est enfin méconnaître le fait que la plupart des commerçants avaient adhéré au GIE avant l’entrée en vigueur de la « loi Macron » et qu’ils se trouvent désormais liés par un règlement modifié dans un sens qu’ils n’avaient pas souhaité.
Je pense donc que si on n’encadre pas cette liberté contractuelle, on accepte l’inégalité du rapport de force entre les petits commerçants et les grandes enseignes nationales : nous sommes bien en présence du « pot de terre » contre le « pot de fer » selon l’expression du vice-président de la CTFC, M. Joseph Thouvenel, que j’ai également entendu.
Ce n’est naturellement pas vision des choses, et c’est pourquoi je vous propose d’adopter un dispositif qui encadre cette liberté contractuelle, qui n’est pas absolue et peut connaître des limitations en cas de déséquilibre entre les contractants.
Le texte que je vous soumets est très simple : il interdit, dans les règlements des GIE, les clauses qui imposent aux commerçants d’ouvrir les dimanches et jours fériés. Il s’agit de rappeler le principe de liberté du commerce et de l’industrie, qui est un principe constitutionnel sous la forme de la liberté d’entreprendre depuis 1982.
La liberté d’entreprendre comprend deux composantes dans la jurisprudence du Conseil constitutionnel : la liberté d’accéder à une profession ou une activité économique et la liberté dans l’exercice de cette profession ou de cette activité. C’est à cette liberté dans l’exercice de son activité économique, qui comprend notamment la liberté d’embaucher, de licencier, de fixer ses tarifs ou de faire de la publicité commerciale, que le choix d’ouvrir ou non son commerce peut être rattaché. C’est pourquoi je souhaite que ce principe soit rappelé et s’impose aux contrats des GIE.
Cet encadrement ne s’appliquerait en revanche pas aux zones touristiques internationales, zones touristiques et zones commerciales, dont l’objet même, selon la « loi Macron » est d’être ouvert toute l’année.
Mes chers collègues, il n’est pas question ici de refaire le débat sur le travail le dimanche. Il s’agit simplement de corriger un des effets non anticipés de l’application de la « loi Macron » et de faire en sorte que les commerçants indépendants disposent d’un verrou pour s’opposer au bon vouloir des grandes enseignes et exercer librement leur activité.
Cette loi ne réglera naturellement pas tout et il faudra également se pencher à l’avenir sur le statut juridique des centres commerciaux, de plus en plus organisés sous forme associative, la diversité de l’offre commerciale de ces centres, au sein desquels les indépendants ont beaucoup de mal à exister et la possibilité pour les indépendants de disposer de minorités de blocage aux assemblées générales de ces centres.
Voilà, mes chers collègues, pourquoi je souhaite, qu’à la suite de la commission des Lois, vous adoptiez la proposition de loi que je viens de vous présenter.
Je vous remercie.
]]>« Monsieur le Premier ministre, un nouvel attentat, qui a fait quatre-vingt-quatre morts et des dizaines de blessés à Nice jeudi dernier, vous conduit aujourd’hui à demander au Parlement une quatrième prolongation de l’état d’urgence, que vous aviez décrété légitimement et utilement après les attentats de novembre 2015.
Je veux dire ici que l’ensemble des députés UDI partage l’émotion, la douleur et la colère des Français face à ce nouveau drame terrible que nous venons de vivre. Je veux aussi rappeler que, depuis le début de cette guerre livrée par une nouvelle forme de barbarie qui prend en otage la religion musulmane, l’UDI a toujours soutenu le Gouvernement dans l’effort de guerre.
Je pense que vous aviez raison. Après avoir donné un coup de pied dans la fourmilière – c’est l’objet premier de l’état d’urgence, qui a permis de procéder dans notre pays à plus de 3 200 perquisitions administratives –, après que huit à neuf mois se sont écoulés depuis les attentats de novembre, vous avez eu le temps d’adapter notre droit normal aux défis nouveaux posés par la guerre terroriste que nous livrent les barbares de Daech.
En neuf mois, vous avez eu le temps d’effectuer toutes les perquisitions administratives qui semblaient nécessaires. En neuf mois, vous avez pu assigner à résidence les personnes qui vous paraissaient les plus dangereuses et enquêter méticuleusement sur elles. En répondant tout à l’heure, en commission, à ces objections, le ministre de l’intérieur a avancé qu’il fallait conserver l’état d’urgence « au cas où » – au cas où une de ces perquisitions permettrait d’empêcher un attentat. On peut l’entendre. On pourrait le comprendre. Vous nous demandez donc une prolongation de cet état d’exception au bénéfice du doute. Une majorité du Parlement et du groupe UDI vous l’accordera sans doute, mais cela n’enlève rien à ce qui est, à mes yeux, une erreur de méthode.
Dès le début, nous avons demandé à ce qu’entrent dans le droit normal les outils qui nous semblaient nécessaires pour combattre le terrorisme. La prolongation ad vitam aeternam d’un état d’urgence ne peut pas nous satisfaire. L’état de droit doit combattre le terrorisme et la barbarie.
Il manque aujourd’hui à la France une stratégie de guerre qui seule peut créer la mobilisation nationale indispensable pour l’emporter dans tout conflit. Il n’y a que des mots de guerre dans tous nos discours, mais à mes yeux, le chef de l’État n’a pas permis aux Français de comprendre cette guerre, ses conséquences, les efforts qu’elle nous impose. C’est en cela qu’à mes yeux, il ne remplit pas les missions qu’il est seul à pouvoir assumer : celles de chef des armées et de chef de la nation.
Mais je veux vous rendre justice. Il serait irresponsable de dire que vous n’avez rien fait pour combattre le terrorisme, irresponsable de prétendre qu’un changement de chef d’État et de majorité, même si je le souhaite, suffirait à faire cesser les attentats et à l’emporter. Je veux alerter de cette tribune tous les députés et tous les Français, qu’ils se situent dans la majorité ou dans l’opposition. Si la guerre contre le terrorisme devient un moyen de gagner une élection présidentielle, cette victoire se fera sur les ruines de notre pays.
Pour répondre à l’angoisse et la colère des Français, la première question à laquelle vous devriez répondre est : d’où vient cette guerre ? La réponse est pourtant simple. Daech est le fruit de l’intervention des États-Unis d’Amérique en Irak en 2003, de la destruction du régime baasiste à laquelle le Président Chirac s’était opposé, comme nombre d’entre nous ici.
La deuxième question est de savoir pourquoi nous avons choisi de livrer cette guerre. Là encore, la réponse est simple. Elle explique pourquoi notre groupe a toujours soutenu les efforts de la France contre les Daechistes ou les pseudo-islamistes, au Mali, en Centrafrique, en Irak, en Syrie ou en Libye.
À travers les otages qu’elle égorgeait pour faciliter son recrutement, à travers ses conquêtes territoriales au Levant, à travers les massacres des minorités religieuses et des musulmans qui à ses yeux ne l’étaient pas assez, Daech ne se cache pas, dans sa propagande que personne ne lit, de viser une domination mondiale, au nom d’une vérité ou d’une loi qu’elle prétend imposée par Dieu, y compris chez nous, dans notre pays ou sur notre continent. En vérité, vous avez préféré, et vous avez eu raison, nous avons préféré, puisque nous vous avons soutenu, les combattre maintenant pour ne pas avoir à le faire plus tard alors qu’ils seraient plus forts.
La troisième question à laquelle il faut répondre en faisant partager notre analyse aux Français si nous voulons l’emporter est : pourquoi sommes-nous plus visés que d’autres ? Pourquoi la France est-elle une cible ? À cette question, il y a deux réponses complémentaires.
La deuxième réponse, chers collègues de la majorité comme de l’opposition, est aussi simple. Le terrorisme ne pousse, ne grandit, ne trouve des relais que dans des sociétés en souffrance économique, sociale, éducative et morale. Tel est l’état de la France de 2016, dont votre majorité, monsieur le Premier ministre, partage la responsabilité, mais dont elle n’est pas seule responsable. C’est un défi commun que nous devons relever.
Vous n’êtes pas responsables des attentats que nous subissons et que, hélas, nous subirons sans doute encore. Mais la responsabilité de l’actuel chef de l’État est de ne pas avoir répondu à ces trois questions, de ne pas les avoir fait partager par le peuple de France, de ne pas avoir su mobiliser la nation autour de ces enjeux terribles, redoutables et nouveaux, autour d’une stratégie nationale pour y répondre. Le réarmement moral de la nation est son devoir. C’est à lui et à lui seul qu’appartient cette responsabilité. Il est temps qu’il s’en saisisse avant que nos ennemis n’atteignent leurs objectifs en créant chez nous cette guerre civile dont ils rêvent.
Il y a un an, nous vous avons demandé de créer une garde nationale qui permette de rendre nos concitoyens acteurs de leur propre sécurité. Les Français sont admirables quand ils se rendent en masse donner leur sang au lendemain des attentats, lorsqu’ils souhaitent rejoindre nos forces de l’ordre épuisées et auxquelles nous rendons hommage, lorsqu’ils s’inscrivent à des formations de secourisme afin d’être utiles. Dans cette guerre, vous devez les mobiliser et leur donner les moyens de ne plus seulement être des cibles potentielles ou de futures victimes. Nous sommes des millions à être prêts à participer à la défense de notre pays, de nos concitoyens, de nos valeurs républicaines.
La France mène une guerre. Elle ne peut pas continuer à subir des attaques et à les banaliser après le temps normal – qui devrait être partagé – de la compassion et des commémorations. Les Français, monsieur le Premier ministre, savent qu’il n’y a pas de baguette magique. Notre pays se sent dépassé alors que les Français, j’en suis sûr, sont prêts à se surpasser et capables de le faire pour peu que leurs chefs les y invitent.
Monsieur le Premier ministre, dans ce quinquennat, nous apprenons tous ensemble que l’histoire est de retour et qu’elle est parfois tragique, même si nous avions préféré l’oublier. L’histoire traverse le quinquennat du président Hollande, et mon intervention au nom du groupe UDI n’a d’autre but, mes chers collègues, que d’inviter celui-ci à ne pas passer à travers de l’histoire.
La France et les Français doivent mener cette guerre et peuvent gagner cette guerre.