Le 16 novembre dernier, le Président de la République a annoncé, devant le Parlement réuni en Congrès, sa volonté de réviser la Constitution, afin d’inscrire l’état d’urgence dans notre loi fondamentale et de sanctionner de déchéance de nationalité ceux qui rejettent ouvertement les valeurs de notre pays.
La première mesure de ce projet de loi, l’inscription de l’état d’urgence dans la Constitution, semble nécessaire. Elle permettrait de renforcer la sécurité juridique de l’état d’urgence et de donner un fondement incontestable aux mesures de police mises en œuvre dans ce cadre. Notre devoir de constituant est d’encadrer, au nom de la défense des libertés publiques, en l’intégrant dans la Constitution, cette mesure exceptionnelle qui n’avait pas été envisagée en 1958. L’article premier du projet de loi doit ainsi être considéré comme un rempart de protection pour les Français.
En revanche, une telle réforme doit s’accompagner d’un renforcement des contre-pouvoirs, c’est ce que souhaite l’UDI.
Il faut, en premier lieu, qu’un contrôle parlementaire de l’état d’urgence soit inscrit dans la Constitution. Même si un contrôle parlementaire renforcé figure, depuis l’adoption de la loi du 20 novembre 2015, dans la loi du 3 avril 1955, sa mise en œuvre dépend de la majorité en place et de l’exécutif. Dès lors, une constitutionnalisation du contrôle du Parlement permettrait que la mise en œuvre des pouvoirs exceptionnels confiés à l’exécutif durant l’état d’urgence fasse l’objet d’un contrôle permanent, afin qu’il ne soit pas dévoyé et utilisé à mauvais escient par un pouvoir autoritaire.
En second lieu, la prorogation de l’état d’urgence, qui est soumise à la loi, ne doit pas atteindre une durée excessive. Nous proposons sa limitation dans le temps, sur le modèle de l’article 35 de la Constitution qui impose au Gouvernement, lorsque la durée d’intervention des forces armées à l’étranger excède à quatre mois, de soumettre sa prolongation au Parlement. Ainsi, la prolongation de l’état d’urgence serait soumise à une approbation régulière du Parlement.
Enfin, l’article 16 de la Constitution dispose que l’Assemblée nationale ne peut être dissoute dans le cadre de la mise en œuvre de pouvoirs exceptionnels du Président de la République. La Constitution devrait également empêcher toute dissolution du Parlement au cours de la période de l’état d’urgence dont on soulignera qu’elle permet au pouvoir exécutif de restreindre un certain nombre de libertés. Une campagne électorale qui se tiendrait dans une période où le pouvoir exécutif à toute liberté pour restreindre le droit de réunion, de manifestations ou encore de communication publique, pourrait ouvrir la voie à une dérive autoritaire.
S’agissant de la déchéance de nationalité, nous ne souhaitons qu’il y ait de différence entre Français. Faire référence, au sein même de la Constitution, à la binationalité, ce serait reconnaître dans notre loi fondamentale l’existence de deux catégories de Français. Accorder un privilège à un criminel en fonction de son ascendance serait contraire à l’individualisation des peines et aux principes fondamentaux de notre République. Une personne doit être punie en fonction de ses actes, non pas en fonction de ses origines! La déchéance de nationalité devrait ainsi s’appliquer à tous les Français, condamnés pour crimes terroristes.
Si nous inscrivons la déchéance de nationalité dans la Constitution, nous devrons nous engager dans un processus global et cohérent, consistant notamment à ratifier la Convention des Nations Unies de 1961 sur la réduction des cas d’apatridie, tout en prévoyant que la France se réserve le droit de faire application de l’article 8, paragraphe 3 a) ii, qui permet de priver de nationalité un individu dès lors qu’il « a eu un comportement de nature à porter un préjudice grave aux intérêts essentiels de l’État ».
La déchéance de nationalité devrait être réservée aux individus condamnés pour « crime contre la nation ». Il nous appartiendrait ensuite de définir ce type de crime, puni de sanctions exceptionnelles. Conséquence d’une sanction pénale préalable, elle devrait relever du pouvoir exécutif et prendre la forme d’un décret.
Enfin, notre arsenal ne doit pas se limiter à des mesures exclusivement symboliques.
Ainsi, une peine d’indignité nationale, réservée aux délits, devrait être créée. Cette mesure s’appliquerait notamment aux individus qui ont séjourné à l’étranger sur un théâtre d’opérations de groupements terroristes. Cette peine d’indignité nationale permettrait de restreindre les droits civiques et civils, et de poser des conditions à l’éventuel retour de ces personnes sur le territoire national.
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