A deux jours du premier tour de la primaire, le président de l’UDI, soutient d’Alain Juppé, reproche à l’ex-président de « raconter des bobars » pour se faire élire.
Paris Match. Vous avez récemment assimilé Nicolas Sarkozy à un « Mini-Trump ». Un peu simpliste, non ?
Jean-Christophe Lagarde. Non, parce que parler très fort pendant la campagne pour agir faible ensuite, c’est ce que fait monsieur Trump en ce moment. Il avait promis d’ériger un mur contre le Mexique ? Ce sera finalement un grillage. Il s’était engagé à expulser 11 millions de clandestins ? Ce seront en fait 3 millions. Il devait supprimer l’obamacare et finalement, il ne le fera pas. Cette stratégie qui consiste à ne pas dire la vérité aux gens juste pour gagner fragilise la démocratie. C’est la façon dont vous êtes élu qui vous permet de gouverner : si vous l’êtes sur des exagérations permanentes et l’obsession des tensions ethniques, ça ne pourra pas marcher. Il est vrai qu’en démocratie, on a les élus qu’on mérite. Si les citoyens veulent juste rêver, ils choisiront ce genre d’attitude. S’ils veulent un dirigeant qui a une vision à 10 ans pour le pays, qui sait arbitrer sans changer de cap et qui n’aura pas le souci de se faire réélire parce qu’il ne fera qu’un mandat, ils choisiront Alain Juppé.
Si Nicolas Sarkozy est Donald Trump, Alain Juppé est donc Hillary Clinton ?
A ce que je sache, Alain Juppé n’est pas marié à une ancienne présidente de la République. Il n’appartient pas non plus à une dynastie politique. C’est même plutôt le contraire puisqu’il est le produit de la méritocratie républicaine.
Il n’empêche que le parallèle entre les deux élections a une certaine pertinence. Le fait qu’Alain Juppé soit le favori des sondages et d’une partie de l’establishment, comme Hillary Clinton, peut-il le desservir ?
Je ne crois absolument pas aux sondages sur la primaire. Les sondeurs, qui n’ont aucune base de référence sur le corps électoral, reconnaissent eux-mêmes qu’il faut être d’une grande prudence sur la question. Pour ce qui y est de l’establishment, je vous objecterai que Donald Trump en est lui-même un membre éminent. Et François Fillon, qui a exercé tous les postes électifs, n’appartient-il pas à l’establishment ? Et Nicolas Sarkozy ? La vérité, c’est que l’ensemble des candidats à la présidentielle française, à part peut-être ceux de l’extrême-gauche, font partie des « élites ».
Le programme de Fillon ? « c’est un peu une purge thatchérienne »
Vous avez été porte-parole de Nicolas Sarkozy dans un passé pas si lointain. A l’occasion d’une campagne, celle de 2012, qui était déjà marquée par un positionnement droitier, avec les thèmes des frontières et de l’immigration. N’y a-t-il pas une incohérence de votre part à le considérer aujourd’hui comme un candidat « dangereux » ?
Pas du tout. Permettez-moi quand même de vous faire remarquer qu’en 2007, j’ai été le seul à ne pas appeler à voter pour Nicolas Sarkozy, parce que je ne croyais pas à son projet. En 2012, je l’ai soutenu plutôt tardivement, en janvier, car je considérais qu’il nous fallait échapper au programme catastrophique de François Hollande. Quant à sa campagne actuelle, avec son identité « gauloise », elle n’a rien à voir avec celle d’il y a cinq ans. Dans le contexte actuel de crise économique, sociale et sécuritaire, avec le risque terroriste que nous connaissons, on n’a pas besoin d’un candidat qui pousse à l’affrontement et balance des outrances juste pour faire réagir. L’inefficacité politique de nos dirigeants ces 20 dernières années a mis le pays dans un tel état de tension que si le prochain quinquennat était un échec, on n’échapperait pas à l’arrivée de l’extrême-droite au pouvoir. Cette élection est celle de la dernière chance démocratique.
Êtes-vous surpris par la remontée de François Fillon dans les intentions de vote ?
Encore une fois, je me méfie des sondages sur la primaire. Après, il y a un rattrapage médiatique bien naturel qui s’est opéré avec les débats télévisés. Pour autant, je ne suis pas sûr que les gens aient bien compris le programme de François Fillon, qui est quand même un peu une purge thatchérienne : souhaitent-ils vraiment un président qui ne recrutera aucun policier, enseignant ou infirmière pendant cinq ans ? S’il l’emportait, ce serait la première fois en France qu’un candidat gagnerait sur un programme ultra-libéral.
« Macron tente d’affaiblir Juppé »
Vous avez dit qu’en cas de défaite d’Alain Juppé, l’UDI convoquerait un congrès pour décider de la stratégie à suivre. Quelle peut-elle être ?
Présenter une candidature issue de nos rangs, soutenir le vainqueur de la primaire ou un autre candidat, toutes les options seront mises sur la table. Ce qui est certain, à mes yeux, c’est que l’UDI ne pourra pas soutenir quelqu’un dont les valeurs et les priorités seraient contraires aux nôtres.
Craignez-vous que l’entrée en lice d’Emmanuel Macron pour la pour la présidentielle ne démobilise certains partisans d’Alain Juppé ?
Je n’y crois pas du tout. Il y a deux catégories de gens qui soutiennent Alain Juppé : ceux qui veulent avant tout l’alternance politique, donc des personnes plutôt marquées à droite et ceux dont la priorité est qu’on ne recommence pas avec Nicolas Sarkozy. Pourquoi ces derniers iraient-ils voter pour Emmanuel Macron, qui n’est même pas qualifié pour le second tour d’après les sondages, alors qu’ils peuvent peser sur le résultat de la primaire ? Ce qui est certain, c’est qu’Emmanuel Macron souhaite la victoire de Sarkozy. En se déclarant la veille du dernier débat de la primaire, il tente d’affaiblir Juppé car il pense qu’il aurait un espace politique plus large face à l’ancien président de la République. Et il n’a pas complètement tort.