// Discours de clôture de la Convention Climat de l’UDI //
Chers amis,
Merci à l’initiateur et organisateur de cette Convention Climat, merci à Bertrand, parlementaire inspiré, lanceur d’alerte républicain de haute volée, homme et citoyen de conviction et d’exigence. Merci à Bertrand, défenseur animé et inlassable du monde de demain.
Merci, Bertrand, d’avoir su constituer, une fois encore, un cénacle précieux de personnalités éminentes qui sont les viviers et les fertilisants naturels des choix politiques sur ce sujet fondamental du changement climatique.
Merci à nos brillants intervenants : Pascale Braconnot, Anne Bringault, Christian de Perthuis, Benoit Leguet, Serge Lepeltier, Damien Mathon, Philippe Pelletier, et Cédric Ringenbach, ainsi qu’à nos talentueux modérateurs : Sophie Auconie et Stephen Boucher
Le changement climatique, après vous avoir entendu, ce n’est pas seulement un changement d’atmosphère. C’est un changement d’ambiance du monde, parce qu’on ne peut plus désormais consommer, respirer, se comporter, s’imaginer comme autrefois, dans toutes les contrées, les strates et les activités humaines.
Alors, merci de nous avoir fait partager, Mesdames et Messieurs, vos lumières sur la complexité de ce monde qui s’élabore, auquel nous devons nous acclimater, de ce monde qui change tout, et dans lequel la France peut sans doute porter de nouvelles valeurs d’universalité.
L’écologie, c’est le grand paradoxe et le grand projet du XXIè siècle : c’est la chance qui surgit de la contrainte. Ce peut-être aussi un chemin pavé de bonnes intentions et, pire parfois, de déclarations d’intentions.
Mais c’est aussi l’économique revisité là où, il y a quelques années encore, on était dans l’onirique.
C’est un projet généreux né de la rareté des ressources, c’est un projet du quotidien et de longue traine, de la proximité et des plus lointains horizons.
C’est une perspective nouvelle de croissance dans un vieux monde qui semble décliner.
Et c’est très profondément la grande ressource de civilisation quand on ne parle que de « malaise dans la civilisation »…
Oui, l’ambition climatique est un projet de civilisation et c’est le combat républicain du XXIè siècle, de la transition énergétique française à un vaste projet mondial.
Et vous l’avez tous dit, il faut se mettre au travail tous ensemble.
Du travail, nous en avons en France, en effet, en matière de biodiversité, de ferroviaire et de transfert modal, en matière d’économies d’énergie dans les bâtiments : 10% de ce qui se faisait il y a 4 ans en matière d’énergies renouvelables, à l’exception de la deuxième phase de l’éolien en mer. .
Pourtant, ce sujet n’est pas nouveau, depuis le rapport sur la décroissance du Club de Rome en 1972, depuis la conférence de Stockholm qui a débouché sur la création du PNUE (Programme des Nations-Unies pour l’environnement)…
Et, il n’est pas nouveau en France et même dans nos rangs, après Jean-Louis Borloo, parce qu’il y a incontestablement en France un avant et un après Grenelle de l’environnement. Et cet après devrait placer tout naturellement la France aux avant-postes des métamorphoses techniques, sociales et sociétales qu’implique le changement climatique.
Oui, ce Grenelle est aujourd’hui la loi de la République, parce qu’il a été effectivement mis en place à 95%. Et comme il avait été travaillé avec tous, très vite les succès ont été spectaculaires :
– Le bonus-malus écologique
– La production d’ordure ménagère : réduction de 5 kilos par an. 2008-2009, on était déjà à 15 Kilos. Passer à 35% des déchets recyclé en 2012, cet objectif fut rempli dès 2009 avec 35,6%.
– Les énergies renouvelables : hausse de 600 % en 2 ans solaire photovoltaïque, hausse de 92 % de la production éolienne, soit 22% en deux ans de notre production totale d’énergies renouvelables.
– Le secteur du bâtiment avec des normes très contraignantes, diviser par trois l’émission de CO2 des bâtiments neufs, 120 000 éco-prêts à taux zéro. Multiplication par 20 des certifications basses consommation, hausse de 800 % en deux ans du nombre de bilans carbone réalisés, 120 000 professionnels du bâtiment formés aux économies d’énergie.
– Et l’agriculture aussi, conversion de 17 000 exploitations à l’agriculture biologique, plus 40% en deux ans. 600 000 hectares agricoles consacrés au bio. 20 000 exploitations agricoles tirant un revenu complémentaire des énergies renouvelables.
– La biodiversité, 2 parcs naturels marins, dont le premier parc marin international. Déploiement de la trame verte et bleue, réalisation de la moitié des 131 plans de protection des espaces menacés.
– Dans le domaine de la santé, 30 substances phytosanitaires préoccupantes supprimées.
– Dans le domaine de la gouvernance, création du Conseil économique, social et environnemental, responsabilité des sociétés mères en cas de pollutions graves causées par leurs filiales. Généralisation du lien social et environnemental à toutes les entreprises de plus de 500 salariés dans le secteur de la recherche et du développement durable.
– 6 nouveaux pôles de compétitivité dans les écotechnologies. 1 brevet sur 3 déposé en France en 2009. La France est le pays le plus attractif d’Europe en 2009 dans le secteur des écotechnologies.
– Et puis les secteurs plus difficiles, qui mettent plus de temps : le tramway, le grand programme ferroviaire de régénération des lignes, les autoroutes ferroviaires, le canal seine nord, qui a démarré, qui est arrêté mais qui a démarré. Tout cela est un programme en 10 ans et sur 10 ans, il y avait une conjonction de mobilisation tout à fait exceptionnelle.
Ces évolutions historiques ont été produites par un nouveau mode de gouvernance. Et elles ont été le produit de l’enthousiasme démocratique.
Alors, s’il y a bien eu un changement d’ambiance, on peut le situer à ce grand moment de notre vie démocratique. Et si la France a alors gagné en crédibilité internationale, notamment quand elle a permis de constituer en 2008 le paquet climat-énergie européen, après avoir vu tous les partis, tous les gouvernements, les syndicats et les grands secteurs industriels, c’est parce que le souffle de la France s’est répandu partout.
Tout cela, nous savons à qui nous le devons. Et nous pouvons l’en remercier. Merci Jean-Louis Borloo.
Alors, oui, nous devons construire notre destin climatique, pour qu’il ne soit pas une fatalité.
La principale raison, et les uns et les autres ont eu l’occasion de l’évoquer, est toute simple : si nous ne faisions rien, nous irions au chaos généralisé.
Ce serait l’avancée inéluctable de la désertification, qui se traduirait, dans certaines parties du monde, par une surexploitation des ressources en eau, des terres, des forêts, et des pâturages conduisant ainsi à l’érosion et la dégradation des sols et autres. Si, à cela, on ajoute la croissance démographique attendue, dans ces mêmes espaces, et notamment en Afrique, la vulnérabilité du continent sera encore plus accentuée.
Il faut agir parce que les changements climatiques accentueront la fragilité des zones arides, c’est-à-dire la famine, les maladies endémiques, les pandémies qui menacent à tout moment de se mondialiser…
Il le faut, parce que déjà, à quelques kilomètres des frontières européennes, le pourcentage de personnes sous-alimentées est le plus fort au monde. En Afrique subsaharienne, c’est 25 % de la population sur la période 2011-2013, soit 223 millions de personnes. Et la dégradation climatique va inévitablement empirer la situation.
Il le faut parce que le nombre d’enfants rachitiques est passé de 45,7 à 56,3 millions, de 1990 à 2011. La plus grande partie de ces enfants est située en Afrique de l’Est.
Il le faut parce que la pollution de l’air intérieur tue 4 millions de personnes par an – principalement en Afrique et en Asie -, plus que le sida et le paludisme réunis. Et ce sont les femmes et les enfants vivant dans l’extrême pauvreté qui sont les plus touchés.
Il le faut parce que le changement climatique et ses impacts dominent la scène politique internationale ces dernières années, comme une « menace de premier plan » pour la stabilité des Etats et du monde.
Quelle plus parfaite et plus inquiétante démonstration pour le démontrer que les événements récents au Sahel, cette bande qui court de l’Océan atlantique à la Mer rouge, constituée de la Mauritanie, du Sénégal, de la Gambie, le Mali, le Burkina Faso, le Niger, le Nigéria, le Tchad, le Soudan, l’Éthiopie, l’Érythrée et Djibouti. Ce qui relie le développement du Djihadisme aux trafics en tous genres, c’est l’avancée du désert.
Des études récentes menées à l’université de Stanford fournissent même des explications statistiques. Elles ont montré que pour un degré d’augmentation de la température, il y aurait un accroissement de 20% des guerres civiles en Afrique.
Il faut agir massivement pour le climat, parce que, comme il était écrit récemment dans le Foreign Policy : « the new conflicts of the future could be sparked by climate change.”
Le processus est, en réalité, déjà enclenché. En 2012, il y avait dans le monde 22 millions de réfugiés climatiques, trois fois plus que ceux qui fuient les conflits. L’année 2010 en comptaient 42 millions…
Selon l’Institut national d’études démographiques (INED), les immigrés sub-sahariens n’étaient que 20.000 en 1962 ; ils passent à 570.000 en 2004, « soit une multiplication par 27 en plus de 40 ans ».
Sans les énergies renouvelables, la situation est appelée inéluctablement à empirer. C’est un sujet de sécurité nationale et internationale, qui a par exemple amené le Pentagone à repenser certains dispositifs stratégiques militaires, domestiques et internationaux. Et c’est assurément une source de craintes qui risquent de monter parmi les peuples voisins de ces populations migrantes, au premier rang desquels les peuples européens.
Ayons bien en tête qu’il n’y pas de murs et de frontières qui ne résistent à la pauvreté et à la révolte.
Ceux de l’Europe, léchés par les vagues de la méditerranée, s’effondreront comme des châteaux de sable. Et ces vagues porteront l’écume de la haine, des crises identitaires, de la peur de la relégation, du rejet de l’étranger, dont les visages alors se multiplient, et même du risque de guerre civile. Et la guerre civile ne se résout que par l‘alliance de la démagogie et de la force.
C’est sous ce limon là que les démocraties sont englouties.
En France, il n’y aura pas de grand mouvement sans une grande mobilisation écologique du pays.
Mieux que des referendums locaux pour débloquer des situations conflictuelles, parfois dramatiques comme à Sivens, par exemple, nous devons reprendre la méthode structurante et mobilisatrice du Grenelle de l’environnement, en reconstituant une gouvernance à 5 : entreprises, syndicats, collectivités locales, ONG et Etat.
Constituons un comité de suivi, pour une analyse précise programme par programme.
Réalisons un travail préalable, avec un audit indépendant, méthodique, sachant que les rapports parlementaires existent, cher Bertrand, qui en a co-présidé un.
Et plutôt que de grandes envolées lyriques, qui préparent aux grandes folies de Chaillot, et qui préfèrent aux droits des personnes, les droits de l’humanité, comme si les personnes devaient nécessairement avoir tort, comme si les personnes devaient payer face à une sorte de nouveau Leviathan, nous, nous souhaitons simplement que l’Etat assume sa responsabilité et se réorganise.
Et nous enjoignons le Président de la République, quelques jours après la conférence mondiale sur le climat, à créer un grand opérateur, regroupant énergie, transport, urbanisme, logement, mer, océans, et écologie.
Ce grand ministère de l’avenir, des métiers du 21ème siècle, des espoirs de notre jeunesse, la seule véritable marque du progressisme et de l’optimisme, le pouvoir actuel l’a liquidé. Eh bien, il faudra le reconstituer, le fortifier…
Et je reprends l’idée de Jean-Louis, d’un vice-premier ministre qui soit en charge de cela et qui préside la gouvernance à 5.
Dans ces conditions uniquement, nous serons en mesure de redémarrer le programme de l’efficacité énergétique des logements et des bâtiments, car la meilleure énergie, vous le savez, c’est celle que l’on n’utilise pas.
Dans ces conditions, nous pouvons imaginer un grand projet français de villes nouvelles 100% dé carbonées. Certains peuvent penser au Bourget, d’autre à d’autres sites, totalement conçus comme Mazdar aux Emirats Arabe Unis. Nous avons les technologies les plus avancées. Un grand projet de ville intelligente, nous le devons à tous nos enfants de toutes nos villes…
Enfin, après le programme national de rénovation urbaine, nous demandons le programme national de rénovation énergétique et écologique des logements-bâtiments.
Nous souhaitons une union républicaine, une union de la République des territoires autour de ce projet et de cette agence. Il nous faut un consensus national. C’est la condition sine qua non d’une mobilisation générale et immédiate.
Et nous avons, nous Français, la chance de pouvoir agir sur le monde, parce que nous sommes dans le monde…
Il faut d’abord un projet immédiat pour nos outre-mer, territoires exemplaires du nouveau monde, énergies renouvelables, bio diversité, isolement, distance, transport énergétique. Nous devons faire là-bas la vitrine de la modernité de la France, avec des zones franches thématiques, expérimentées là et puis développées dans notre pays.
Nous devons aussi nous mettre en route avec l’Europe ou avec une partie de l’Europe sur les 2 enjeux du 21è siècle et du 22è siècle : la conquête des océans et le renouveau africain par l’énergie propre…
Nous donnerons ainsi du sens à l’Europe. Nous allons ainsi la réconcilier avec sa grande mission de bâtisseuse, car c’est de cela qu’il s’agit ici…
De la France au monde, en passant par l’Europe et l’Afrique, nous sommes la famille … du changement d’air.
S’il y a un sujet sur lequel notre formation politique, notre famille progressiste peut trouver un espace de pleine expression, de grande élaboration, c’est celui du « climat », parce qu’il parle de ce que chacune et chacun doit partager avec l’autre, c’est-à-dire peu près tout !
Alors, oui, nous devons nous mobiliser pour surmonter les démons du changement climatique et pour promouvoir un projet mondial fraternel et durable.
Et je reviens sur le grand enjeu africain, si souvent rappelé par Jean-Louis Borloo, auquel il tente aujourd’hui personnellement de contribuer en créant une fondation.
Il est assuré que le chaos africain se transformerait en cataclysme européen. La trappe de la misère s’ouvrirait sur l’Europe pour déverser ses flots de désespoir, pour nourrir ici l’écume des aigreurs et des haines, pour faire basculer l’Europe dans la barbarie…
Le projet « climat » doit, en réalité, poser un nouveau pivot du développement. Mais, cela va plus loin encore. Ce projet, c’est évident, implique de repenser les conditions de la prospérité mondiale. Et dans le temps long de l’histoire de l’humanité, nous arrivons au moment d’un choix fondamental.
Le ciel du XXIè siècle a donné une nouvelle inclinaison aux pensées qui s’ouvrent sur des horizons à dessiner ensemble.
Mais il n’y a pas de solution unique et simpliste, dans un monde complexe. Mais l’ampleur des problèmes fait de la réponse que nous allons donner un véritable choix de civilisation.
Le projet pour la France et pour le monde, ce doit être d’abord une méthode qui vise à l’élaboration d’un grand plan d’émancipation énergétique, aux ramifications multiples.
Voilà, chers amis, le combat sans doute le plus élevé et le plus ambitieux de notre famille politique. Et il n’est ni stratosphérique, ni fantasmatique.
Il doit s’inscrire dans toutes les capillarités de notre territoire, notamment par ses élus. Et nous serons attentifs, à ce que les prochaines échéances locales, départementales et régionales, permettent de traiter ces sujets avec l’exigence et l’ambition qu’ils requièrent.
Nous en serons les premiers et les plus crédibles porte-paroles, si naturellement vous continuez de nous apporter le concours de votre expérience, de votre expertise, de votre intelligence et de la générosité que toutes ces qualités supposent.
Je vous remercie.
> Discours prononcé par Jean-Christophe Lagarde | Jeudi 18 décembre 2014