Jean-Christophe Lagarde, président de l’UDI, estime qu’il faut « démonter » les idées de l’extrême droite et défend l’indépendance du parti centriste face à Nicolas Sarkozy.
Partagez-vous les thèses de Nicolas Sarkozy, qui juge nécessaire de reprendre les thématiques du Front national pour courtiser ses électeurs ?
Ce que je partage avec Nicolas Sarkozy, c’est qu’il combat clairement le FN. Là où il y a une divergence entre nous, c’est sur la façon de le combattre. C’est une des différences qui existe entre l’UDI et les Républicains. Moi, je considère que ce n’est pas en se rapprochant des valeurs de l’extrême droite qu’on la combat efficacement. Quand des idées sont fausses, on les attaque. On ne s’en rapproche pas.
Quelle méthode préconisez-vous pour contrecarrer la poussée du FN ?
La meilleure façon de combattre les idées de l’extrême droite, c’est de les démonter point par point en démontrant leurs absurdités. Il faut notamment expliquer qu’avec la sortie de l’euro ou la fermeture des frontières, l’arrivée de l’extrême droite à la tête d’une région aurait des conséquences économiques désastreuses. Il faut aussi répéter que le FN, qui a profité dans les urnes du traumatisme provoqué par les attentats du 13 novembre, désarme le pays face au terrorisme quand il refuse de voter la loi sur le renseignement ou le PNR [fichier européen des données de passagers aériens].
Mettez-vous le PS et le FN sur le même plan, comme le fait Nicolas Sarkozy ?
Non. Jamais l’UDI n’a tracé de signe égal entre l’extrême droite et le PS, même si la gauche a souvent joué avec le FN. Dans le cas des régionales, où il y a des triangulaires au second tour, quand un électeur vote pour le FN, il est indéniable qu’il donne une chance de plus au PS de conserver le pouvoir.
Partagez-vous l’avis du président de LR, qui juge le vote FN « pas immoral » ?
Je ne porte pas de jugement sur le choix des électeurs de voter pour le FN. En revanche, ce qui n’est pas moral, ce sont les propositions des candidats du FN. Par exemple, ce n’est pas conforme aux valeurs républicaines de la part de Marion-Maréchal Le Pen d’avoir sur sa liste en Provence- Alpes-Côte d’Azur, Philippe Vardon, une ancienne figure du Bloc identitaire, qui a été condamné pour incitation à la haine raciale. Cela n’est ni moral, ni républicain, de la part de Marine Le Pen de menacer de couper les subventions à La Voix du Nord car ce journal a émis des critiques sur elle.
Vous n’approuvez pas le « ni-ni » (ni fusion, ni retrait) de LR. Pour vous, le front républicain est une exigence morale ?
Non, c’est la fidélité à nos valeurs et à nos principes. Quand il y a un risque que le FN l’emporte, il faut savoir retirer son candidat arrivé en troisième position. A l’UDI, nos règles et nos principes sont clairs : quand on a une situation dangereuse, on doit s’en tenir à ces principes qu’elles que soient les conséquences. Les principes sont plus importants que les places.
Vos divergences avec LR sur la question du front républicain peuvent-elles remettre en cause votre alliance à l’avenir ?
L’union se fait élection par élection, projet par projet. Ce n’est pas un automatisme. Cela n’avait pas été possible aux européennes car notre approche sur l’Europe était trop différente : nous sommes fédéralistes et ils ne le sont pas. Cela a été possible aux départementales et aux régionales car on s’est mis d’accord sur des projets communs. Si on n’avait pas noué une alliance avec LR pour ce scrutin, les électeurs de l’UDI n’auraient souvent pas eu la possibilité de voter pour nous au second tour car on se serait retrouvé en troisième ou en quatrième position dans certaines régions.
Le discours à droite toute de certains ténors de LR est-il compatible avec celui de l’UDI ?
La ligne jaune entre LR et l’UDI, c’est l’alliance avec le FN. Si Les Républicains le faisaient, cela remettrait définitivement en cause les possibilités d’alliance entre nos partis. L’alliance consiste à rassembler des gens différents sur des projets communs. Elle n’est pas possible quand nos idées sont trop divergentes. L’unité, ce n’est pas l’uniformité. On refusera toujours la soumission aux Républicains. Je suis d’accord pour des coalitions mais pas pour l’alignement.
L’issue des régionales peut-elle avoir des conséquences sur l’attitude de l’UDI pour 2017 ?
Nous tirerons les enseignements de ce scrutin une fois qu’il se sera déroulé. La position de l’UDI dépendra de plusieurs paramètres, dont l’issue des régionales et la situation politique du pays. Ce qu’il se passe actuellement montre qu’il y a un problème de renouvellement des idées, des logiciels, des équipes qui portent ces idées. Au printemps, les adhérents de l’UDI trancheront la question de la manière dont notre parti portera son projet à la présidentielle.
L’article sur le site du Monde • Propos recueillis par Alexandre Lemarié