Seul le prononcé fait foi
Monsieur le Président,
Monsieur le Premier ministre,
Mesdames et messieurs les ministres,
Mes chers collègues,
Depuis près d’une semaine, les français sont meurtris par la seconde série d’attentats que notre pays vient de subir en 10 mois. Le choc est si profond, brutal, inquiétant que nos concitoyens sont partagés entre la douleur, la colère et l’exigence. La douleur nous la partageons tous. La colère, elle est tournée vers les barbares qui nous font la guerre. L’exigence s’adresse à nous représentants de notre Nation dans l’épreuve. Aussi il nous appartient de surmonter au plus vite nos émotions, de garder notre sang-froid pour réfléchir, débattre et agir avec une froide et totale détermination afin que tout soit mis en œuvre pour éviter de tels drames à l’avenir.
En tant que parlementaires, élus locaux et responsables politiques, nous avons la responsabilité d’être unis dans l’épreuve. L’épreuve que nous traversons n’efface rien de nos différences, de nos divergences face aux autres défis que notre pays doit relever. Elle n’enlève en rien le droit de débattre, même avec vigueur, dans les autres domaines de notre vie publique. Au contraire même, c’est au nom de ce droit de débattre d’être différents, d’être en désaccord tout en acceptant de vivre et de décider ensemble que nous devons mener le combat commun contre ceux qui voudraient briser notre démocratie et les valeurs humanistes qu’elle porte. Dans ces circonstances, seuls notre raison, l’amour de notre pays et les valeurs que nous partageons doivent nous guider dans notre impérieuse mission.
Si nous nous divisons, nous diviserons les Français. Dans la guerre qu’ils nous livrent, c’est d’ailleurs le principal objectif de Daesh : nous frapper en plein cœur pour importer chez nous la peur, la colère et la haine, puis faire en sorte que nous les déportions sur nos propres compatriotes en prétextant les cultures, les origines, les religions et les communautés.
Pour faire face à cette menace, notre réponse doit être impérativement l’unité, le rassemblement, la cohésion et la détermination. Cette unité nationale ne se décrète pas. Elle doit se construire chaque jour en acceptant un débat respectueux qui seul, permettra de construire ensemble des réponses au défi qui nous est lancé. Disons le clairement, ce rendez-vous de l’unité nationale nous l’avons raté en janvier après les attentats. La cause en est notre manque d’habitude de nous écouter et de nous comprendre, entretenu par des institutions trop binaires, mais aussi l’insuffisante prise de conscience collective de l’ampleur de la guerre qui nous est livrée. Et c’est bien désormais sur ce point que se porte l’exigence des Français à notre endroit.
Car nous faisons face à un ennemi d’une nature exceptionnelle, peu visible et tentaculaire. La capacité d’infiltration du djihadisme est globale, mondialisée. Ce terrorisme ne connaît ni limite, ni frontière. Cette menace plane sur l’ensemble de la planète et de notre territoire, sur toutes les villes et tous les villages, et peut apparaître derrière chaque écran d’ordinateur ou de téléphone. Le numérique est désormais la première arme des terroristes et internet son principal vecteur au service d’une idéologie totalitaire qui prend prétexte d’une religion et la dévoie pour mettre en œuvre un projet politique nihiliste qui veut asservir notre conception de l’homme et de ses droits les plus fondamentaux
En l’état actuel du droit, notre législation sur l’état d’urgence ne répond que très partiellement à ces défis majeurs. Lors de l’adoption de la loi du 3 avril 1955, le contexte et les risques étaient tout autres qu’aujourd’hui. Et si dans l’urgence avoir recours à cette loi est nécessaire, faute de mieux, ce n’est pas avec des mesures qui datent de la guerre d’Algérie que nous pourrons gagner en 2015 la guerre contre le terrorisme. Quant aux autres régimes d’exception, eux non plus ne répondent pas à cette nouvelle génération de menaces extrêmement complexes et dont nous savons qu’elles seront durables.
En tant que législateur, nous avons donc le devoir de moderniser le régime de l’état d’urgence. Nous avons déjà perdu beaucoup de temps mais nous nous réjouissons des mesures annoncées et prises par le gouvernement ces derniers jours car elles rejoignent pour un large part celles que nous avions proposées au Chef de l’Etat au mois de Janvier. Adaptation de notre droit aux nouvelles menaces, augmentation des moyens et des effectifs destinés à protéger nos concitoyens, constitution d’une Garde nationale qui devrait rapidement permettre à tous les Français de participer à notre effort de sécurité collective en sont quelques exemples. Cette écoute nouvelle conduira l’UDI à être à vos côtés dans ce combat, en espérant d’ailleurs que vous serez à même de nous entendre sur d’autres mesures nécessaires à l’avenir.
C’est pourquoi nous soutiendrons l’adoption de ce projet de loi visant à prolonger l’état d’urgence et à renforcer son efficacité.
Oui, nous approuvons la prolongation de l’état d’urgence jusqu’à la fin du mois de février 2016, car nous n’avons malheureusement pas le choix. La menace terroriste n’a jamais été aussi élevée et seul un régime d’exception peut nous permettre de tenter de prévenir ces effroyables atteintes à notre sécurité et à l’ordre public.
Pour autant, nous savons tous qu’il faudra certainement plusieurs années pour anéantir Daesh et Al-Qaïda. La probabilité est très forte que la situation soit toujours aussi critique dans trois mois et que les menaces qui pèsent sur nos concitoyens soient encore très élevées. C’est pourquoi nous proposons, car la situation l’impose, de permettre au parlement de renouveler l’état d’urgence avant son terme, sans avoir à repasser par la case décret, ce qui serait assez ridicule convenons en.
Oui, nous soutenons le renforcement et l’adaptation du dispositif d’assignation à résidence lorsqu’il existe des raisons sérieuses de penser que le comportement d’un individu constitue une menace pour la sécurité et l’ordre public. Le champ d’application de ce dispositif, jusqu’alors trop restrictif, se devait d’évoluer. Les possibilités d’imposer le pointage et d’interdire d’entrer en relation avec certaines personnes pourront être des outils utiles pour les forces de l’ordre chargées de la surveillance.
Mais nous regrettons que le projet de loi n’aille pas plus loin. Il nous paraît désormais nécessaire que la loi prévoit que l’assignation à résidence soit contrôlée chaque fois que nécessaire par le moyen d’un bracelet électronique. Nous pourrions également prévoir la possibilité d’interdire ou de restreindre l’accès à certains moyens de communication numérique pour s’assurer que les personnes visées n’entrent pas en relation avec d’autres individus dont le comportement constitue également une menace, où ne consacrent pas leur temps à une propagande délétère.
Nous approuvons également, la possibilité de dissoudre les associations et groupements de fait qui facilitent, incitent ou participent à la commission d’actes portant une grave atteinte à la sécurité et à l’ordre public. Nous pourrons ainsi mettre un terme à certains prêches radicaux et salafistes dans les mosquées régies par des associations qui n’ont de cultuelle que le nom.
Nous saluons également les précisions procédurales visant à éviter toute dérive dans la mise en œuvre de perquisitions, ainsi que l’effort de simplification du contentieux administratif dans le cadre de l’état d’urgence pour l’unifier avec celui du régime de droit commun.
Quant à la suppression totale du contrôle de la presse et des publications de toute nature, nous émettons une réserve pour ce qui concerne les réseaux sociaux et les sites internet pour lesquels l’Etat devrait conserver sa capacité d’intervention afin d’y éviter des propagandes ennemies inacceptables et dangereuses.
Enfin, nous sommes naturellement pour le renforcement des dispositions pénales, car les peines encourues jusqu’alors par ceux qui ne respecteraient pas les mesures de contraintes préventives qui leur sont imposées étaient insuffisantes.
Mais l’adoption de ces mesures d’urgence et d’une durée limitée pour faire face à une crise et une menace dont nous savons tous qu’elles sont durables, porte en elle même une contradiction dont nous devons prendre conscience. Pour l’UDI, nous devons mettre à profit le temps que nous vous accordons avec l’Etat d’urgence pour réfléchir à ce qui doit être intégré dans notre droit commun, tout en restant spécifique à la prévention de la menace terroriste, de sorte que nous ne réagissions plus systématiquement après des drames tels que celui que nous vivons, mais que nous ayons de meilleures armes pour les éviter. C’est ce qu’attendent de nous les Français.
S’il faudra naturellement veiller à ce que des moyens supplémentaires de contrôle accordés à l’Etat ne soient pas illégitimes au regard de l’équilibre nécessaire pour préserver nos libertés publiques, chacun peut comprendre qu’une partie de ces moyens, comme l’assignation à résidence ou les perquisitions administratives, qui nous apparaissent indispensables après le choc que nous vivons le demeureront au delà des trois mois décidés dans ce texte de loi. C’est donc à l’inscription dans notre droit commun d’un certain nombre de mesures spécifiques à la lutte contre le terrorisme que nous devrons procéder, tout en instaurant une procédure de contrôle stricte et des voies de recours sécurisées qui nous prémunisse d’éventuels dérives ou abus. Notre parlement et notre système juridique en ont déjà accepté le principe, par exemple s’agissant du régime des gardes à vue ou encore lors de l’adoption récente de la loi sur le renseignement.
Nous demandons donc que soient adoptées des mesures de droit commun pour lutter sans discontinuer contre le terrorisme, sans avoir à mettre en œuvre un régime d’exception qui par essence ne pourra répondre à des menaces dont nous connaissons le caractère pérenne.
Mais au delà de l’aspect sécurité intérieure, la réponse à cette menace devra aussi être globale et doit largement dépasser ce projet de loi.
Nous devons travailler ensemble sur les causes profondes, les racines mêmes de ce mal, et non seulement ses symptômes, une fois qu’il est trop tard. Sur le plan intérieur, il est évident que les fractures que nous laissons béantes dans la société française offrent un terreau fertile à un ennemi qui nous connaît bien et est déterminé à exploiter chacune de nos failles. Cela sera, je l’espère l’objet d’un autre débat qui nous est tout aussi indispensable que cette loi d’urgence.
Quant au plan extérieur, si nous voulons éradiquer Daesh et Al-Qaïda, nous n’aurons pas d’autre choix que de modifier notre stratégie militaire. Les bombardements en Syrie et en Irak ne produisent pas et ne produiront pas les effets escomptés. Il y a déjà eu près de 8 000 frappes sans que cela ne permette de contenir l’infiltration des djihadistes à travers le monde. Car nous laissons ainsi aux mains de cet ennemi qui nous fait la guerre, des villes et des ressources qui sont autant de moyens logistiques, techniques, humains, financiers qui leur permettent de préparer des attaques aussi efficaces et meurtrières sur notre sol.
Je veux dire ici la conviction qui est la notre que devrons hélas participer à une coalition internationale, sans exclusive ni préalable, en allant aider au sol les Kurdes, les Irakiens qui pour l’instant se battent bien seuls pour libérer leur territoire de cette barbarie et dont la victoire rapide participerait de façon décisive à l’amélioration de notre sécurité intérieure.
Vous l’aurez compris M. le Premier Ministre, M. le Ministre et mes chers collègues, l’UDI soutiendra les mesures d’urgence que vous nous proposez, elle vous en proposera même quelques autres, mais surtout pour construire l’unité nationale qui nous est nécessaire dans l’épreuve, nous attendons du Gouvernement qu’il regarde d’ores et déjà plus loin que l’urgence et mette notre pays, notre République en mesure de gagner face à la barbarie qui voudrait enterrer tout ce qui fait que nous sommes français et fiers de le rester.